17:34 - Jeudi 28 mars, 2024

- 18. Ramaḍān 1445

Correspondance avec les empereurs


Le traité d’Al Houdaybiyya qui avait suscité tant de consternations dans le rang des compagnons, commença très vite à produire les effets positifs que la sagesse du Prophète, paix et salut sur lui, avait su prévoir. Ainsi, grâce à la paix durable obtenue lors de ce traité, l’Islam pu prendre une toute autre dimension, en sortant des frontières de l’Arabie pour diffuser son message au reste du monde. Celui qui n’était alors que le simple chef d’une cité d’Arabie se mit à inviter tous les dirigeants des grands empires et royaumes de l’époque, ainsi que leur peuple à l’Islam, par des lettres auxquelles il apposait son célèbre sceau ‘Mohammed Rassoul Allah’ (Mohammed messager d’Allah).

La teneur de ces lettres était sensiblement la même, à savoir qu’elles appelaient à reconnaître l’unicité de Dieu et à l’acceptation de l’Islam sous peine de porter la responsabilité de l’égarement de leur peuple. Dans leur forme par contre, le discours de chaque lettre était parfaitement adapté au langage du peuple auquel elle s’adressait. L’émissaire était également choisi en fonction de sa connaissance de la langue, des coutumes et des traditions du destinataire. Aussi étonnant que cela puisse paraître, les lettres adressées aux monarques ont été reçues avec beaucoup de considération. En effet, la plupart des souverains de l’époque étaient très cultivés et attachaient beaucoup d’importance aux saintes écritures qui annonçaient la venue imminente d’un nouveau prophète. Aussi, la plupart avaient déjà reçu des informations sur le Messager, paix et salut sur lui, dont l’appel effectué depuis une région d’Arabie sans importance trouvait de plus en plus d’écho à travers la région. Ainsi, les réactions furent très variées à la lecture des lettres. Certains, à l’image de Kisra, empereur des perses, eurent une réaction très violente devant ce qu’il considérait être de l’insolence. D’autres, comme Mouqawqis, roi d’Egypte, réagirent avec respect, envoyant même des présents au Prophèter, sans pour autant accepter le Message. D’autres enfin, tel le Négus, souverain d’Abyssinie ont embrassé l’Islam.

Il serait trop long de rapporter ici le détail de chaque échange. Nous allons toutefois nous attarder sur la réaction particulièrement intéressante du puissant Héraclius, régnant alors sur le vaste Empire byzantin. Il se trouve qu’Abou Soufyan, l’un des ennemis les plus acharnés du Prophète r parmi les qorayshites, se trouvait alors en voyage commercial chez l’Empereur, qui le convoqua pour s’entretenir avec lui au sujet de celui qui affirmait être l’Envoyé de Dieu. Voici donc les propos du dirigeant de l’un des plus puissants empires qui régnaient alors, à la suite de son entretien avec Abou Soufyan : (S’adressant à l’interprète) ‘Dis-lui que je l’ai interrogé au sujet de sa lignée et il a répondu qu’il est noble. Il en est de même de la lignée des messagers au sein de leur peuple. Je lui ai demandé si quelqu’un avant lui, avait eu la même prétention et il m’a répondu que ‘non’. Aussi, si quelqu’un avant lui, avait eu la même prétention, j’aurais pu croire qu’il ne cherche qu’à renouveler ce qu’un autre a déjà accompli. Je lui ai demandé s’il y avait des rois dans sa descendance et il m’a répondu que ‘non’. Je me suis dit : S’il y avait un roi dans sa descendance, je pourrais penser qu’il cherche à reconquérir le trône de son aïeul. Je lui ai demandé si les gens le traitaient de menteur avant qu’il n’ait eu à se présenter comme prophète et il m’a répondu que ‘non’. Or j’ai compris par là, que s’il n’était pas homme à mentir à l’égard de ses semblables, il ne pouvait, à plus forte raison mentir à l’égard de Dieu. Je lui ai demandé si ce sont les nobles qui le suivent ou le bas peuple et il m’a répondu que c’est plutôt ‘le bas peuple’, or ce sont ceux-là même qui suivent toujours les messagers. Je lui ai demandé si ceux qui le suivent augmentent en nombre ou régressent, et il m’a répondu qu’ils progressent, or c’est bien cela le propre de la foi qui est de croître jusqu’à atteindre la complétude. Je lui ai demandé s’il y en a qui apostasient par aversion parmi ses disciples et il m’a répondu que ‘non’, or c’est bien ainsi qu’il en est de la foi, lorsque sa douce saveur rencontre les cœurs. Je lui ai demandé s’il trahissait, il m’a répondu que ‘non’, or tel est le comportement des messagers, ils ne trahissent jamais. Je lui ai demandé s’ils se sont combattus, et il m’a répondu que ‘oui’ et que les combats contre lui avaient eu des alternatives, tantôt à son avantage et tantôt au leur. Il en est ainsi des prophètes, ils subissent des épreuves, mais la réussite et le succès final leur reviennent. Je lui ai demandé ce qu’il leur ordonne et il m’a répondu ‘qu’il leur ordonne d’adorer Dieu sans rien lui associer, de s’abstenir d’adorer les idoles, de prier, de cultiver la sincérité et la chasteté.’ Précise-lui que si tout ce que tu as dit est vrai, il sera maître de l’endroit sur lequel, présentement, foulent mes pieds. Je savais qu’un prophète allait paraître, mais je n’imaginais pas qu’il viendrait de vous. Quant à moi, s’il m’était possible de l’approcher, je ferais tout pour le rencontrer et si j’étais auprès de lui, je laverais moi-même ses pieds.’

C’est une description impressionnante peinte ici par Héraclius, reconnaissant clairement la position du Messager, paix et salut sur lui. Pourtant, malgré sa grande connaissance des caractéristiques de la prophétie, Héraclius préféra ne pas donner suite à l’appel du Prophète paix et salut sur lui pensant ainsi assurer la pérennité de son empire, et choisit, comme tant d’autres détenteurs du pouvoir, le bonheur éphémère d’ici-bas, plutôt que le sacrifice dans cette vie au profit de l’au-delà.


Rubrique: La vie du Prophète (psl)