18:29 - Jeudi 28 mars, 2024

- 18. Ramaḍān 1445

Le pèlerinage


Allah le Magnifié dit : Et fais aux gens une annonce pour le pèlerinage. Ils viendront vers toi, à pied, et aussi sur toute monture, venant de tout chemin éloigné, pour participer aux avantages qui leur ont été accordés et pour invoquer le nom d’Allah (…) [22;27-28] et Il dit, Exalté soit-Il : La première Maison qui a été édifiée pour les gens, c’est bien celle de Bakka [la Mecque] bénie et une bonne direction pour l’univers. Là sont des signes évidents, parmi lesquels l’endroit où Abraham s’est tenu debout ; et quiconque y entre est en sécurité. Et c’est un devoir envers Allah pour les gens qui en ont les moyens, d’aller faire le pèlerinage de la Maison. Et quiconque ne croit pas… Allah Se passe de tout [3;96-97]. Par ces versets, Allah a rendu obligatoire, pour tout musulman qui en a les moyens, d’accomplir le pèlerinage à la Sainte Mecque. Cette obligation constitue le cinquième pilier de l’Islam, comme l’affirme le hadith bien connu du Prophète, paix et salut sur lui, rapporté par Ibn Omar dans les recueils des imams Boukhari et Mouslim. Les exégètes expliquent la fin du verset : ‘Et quiconque ne croit pas’, en disant que quiconque renierait que le  pèlerinage à la Mecque soit une obligation aurait renié l’Islam. Al Hassan al Bassri, quant à lui, dit qu’il s’agit là de celui qui a tous les moyens de l’accomplir, mais s’en abstient et meurt ; alors sa mort sera celle d’un non musulman, qu’Allah nous préserve !

Qui doit l’accomplir ? Il fait l’unanimité que le pèlerinage incombe à l’homme comme à la femme, pubères, sains d’esprits, ayant réuni, de manière honnête et transparente, la somme nécessaire, à l’allé, au retour et au séjour dans les villes saintes, ayant la capacité physique d’accomplir ce rite, et s’étant acquitté dettes, ou au moins celles à court et moyen termes.

Peut-on le différer ? En d’autres termes, la personne qui en a les moyens peut-elle repousser l’accomplissement de ce rite ? Selon Al Shafi’i, Soufiane Al Thawri, et Al Awza’i, cela est possible, à condition que la personne ait en son cœur la ferme intention de le faire au moins une fois dans sa vie. Ceux-là invoquent le fait que, le pèlerinage ait été prescrit, à Médine, en l’an 6 de l’Hégire, et que le Prophète, que la paix et le salut soient sur lui, et ses compagnons ne l’aient accompli que quatre années plus tard. D’un autre côté, les imams Abou Hanifa, Malik et Ahmad le réprouvent, s’appuyant sur des hadiths notoires tel que celui dans lequel, le Messager d’Allah dit : ‘Que ceux qui escomptent accomplir le pèlerinage le fassent aussitôt qu’ils le peuvent, car nul n’est sûr d’avoir jamais la santé et les moyens de le faire [plus tard]’ [Ahmad, Ibn Majah], ou lorsqu’il dit, paix et salut sur lui : ‘N’ajournez pas votre pèlerinage, car nul ne sait ce qui peut advenir et risque de l’en empêcher [Ahmad & Al Bayhaqi]. Toutefois, et selon la majorité des érudits, ces hadiths ont valeur d’exhortation et non d’obligation. Abou Al ‘Abbas Ibn Sarih considère que [dans certains cas] l’acquisition d’un logement, le mariage ou la mise sur pied d’un commerce, peuvent être prioritaires et plus importants que l’accomplissement du pèlerinage, et Allah sait mieux.

Quels sont le mérite et la récompense du pèlerinage ? A un homme faible et peureux, le Prophète, que le salut et la paix soient sur lui, a recommandé d’accomplir le pèlerinage, qui serait pour lui un combat dans lequel il n’aurait pas à croiser le fer [Abd Al Razzaq & Tabarani]. Il a dit dans le même sens que le pèlerinage était le jihâd du vieillard, du faible et de la femme [Al Nassaï], ceci à cause de la fatigue qu’il génère, et de la patience qu’il requiert. C’est pour cela que celui qui accomplit un pèlerinage durant lequel il ne se rend coupable d’aucun acte répréhensible, retournera chez lui, purifié de ses péchés, aussi pur que le jour où il est né [Boukhari & Mouslim]. Le Prophète dit également qu’un pèlerinage agrée n’a d’autre récompense que le Paradis [idem]. Al Hassan décrit le pèlerinage agrée comme celui duquel nous revenons complètement détournés des biens éphémères et n’aspirant plus qu’à l’Au-delà !

Quel est le but du pèlerinage d’un point de vue spirituel ? Le pèlerinage ne peut être résumé à un voyage physique, mais il demeure avant tout un voyage du cœur. Voilà pourquoi le Très Haut exhorte les pèlerins en disant :Faîtes vos provisions, mais la meilleure provision est la piété [2;197] ! Ainsi, expliquent les savants, le pèlerinage doit constituer une coupure dans notre vie, pour nous libérer de notre train-train quotidien, pour que puisse s’exprimer pleinement, par notre être tout entier, l’amour pour Allah, qui doit, au moins, sommeiller au fond de chacun de nous ; amour qui constitue la source et l’origine de notre foi en Lui, Exalté soit-Il ; amour qui, trop souvent, se retrouve noyé et étouffé par notre rythme de vie quotidien. En effet, pourquoi Allah, le Magnifié, a-t-Il choisit la Mecque, si ce n’est parce que ce coin du désert a été le témoin du grand amour qu’avait pour Lui, son serviteur Abraham lorsqu’il y laissa sa femme Hajar et son fils Ismaël, que la paix soit sur eux ; et lorsque plus tard, il y revint pour construire avec ce dernier, ce modeste, et en même temps si grand, temple qu’est la Kaaba ? Alors c’est le moment, pour que cette coupe, qu’est le cœur,remplie à raz-bord, d’amour pour Allah, puisse enfin déborder, pour reprendre l’expression du Cheikh Al Nadwi, auprès de ces lieux symboles de la présence, de la grandeur, de la miséricorde, de l’omnipotence Divines. Ce voyage constitue donc un double retour aux sources : retour à la source spirituelle de sa foi qu’est l’amour pour Allah, d’une part, retour à la source historique du monothéisme pur d’Abraham, d’autre part.

Une répétition avant le Jour du Jugement. C’est ainsi que l’entend l’imam Al Ghazali dans son Ihya. Le pèlerinage  est une occasion de se souvenir que bientôt nous devrons accomplir un voyage plus dur encore, en quittant ce monde que nous connaissons pour aller dans celui que nous ne connaissons pas. Ce jour où seront rassemblés dans une seule plaine, des individus de toutes nationalités, de toutes couleurs, de tout idiome, de tout niveau social, tous égaux devant Allah ; couverts de poussière, fatigués, et dévêtus, tous unis dans leur désir d’obtenir de leur Seigneur pardon et miséricorde, et redoutant sa Colère et son châtiment. Qu’Allah nous vienne en aide en ce jour, et qu’Il nous accorde d’accomplir pour Lui un pèlerinage sincère et agrée ! Et Allah sait mieux !

Source : Fiqh as Sounnah, Sayyed Sabiq, Ihya, Al Ghazaly, Site la maison de l’islam.com


Rubrique: Le culte