22:25 - Jeudi 28 mars, 2024

- 18. Ramaḍān 1445

La primauté du Coran


Allah le Très Haut dit : « Et le Messager se plaint : Ô Seigneur ! Mon peuple a vraiment négligé ce Coran ! » (25;30). Pourtant Allah l’a fait descendre pour les croyants comme « une miséricorde », « une guidance », « une lumière », « une bonne annonce », « une guérison spirituelle-psychologique », lui conférant le pouvoir de « guider vers ce qu’il y a de meilleur » et de sortir l’homme « des ténèbres vers la lumière ». Un Coran au sujet duquel Allah dit que « s’il était descendu sur une montagne, tu l’aurais alors vu se fendre et s’affaisser par crainte d’Allah » (59;21), et que s’il y avait un livre susceptible de « déplacer les montages, de fendre la terre ou de faire parler les morts », ce serait alors ce Coran. Ceci provient de la force, de la grandeur et de la puissance de Celui dont il est la parole ! Allah avait par ailleurs prévenu son Prophète (saws) dont le cœur pur avait été rendu plus robuste que la montagne : « nous allons « jeter » sur toi une parole lourde » (de sens), et Il confirme : « c’est un discours déterminant et non une futilité ».

Avant de chercher à donner la vue aux cœurs aveugles qui nient le caractère Divin du Coran nous voudrions commencer par interroger notre propre relation à ce Livre. En effet, nous croyants devons être les vecteurs de transit de la lumière coranique. Or, si nous-mêmes qui croyons en l’origine Céleste du Coran ne véhiculons pas convenablement la lumière de son enseignement, comment espérer que d’autres soient touchés par lui ?

Différents modes d’action avec le Coran sont possibles et nécessaires pour réaliser la nasiha ou approche positive, que nous devons à ce Livre Saint, conformément à cette parole de l’Envoyé d’Allah (saws) : « La religion est nasiha (le fait d’avoir de bons sentiments) (…) envers Allah, envers Son Livre, Son Envoyé, les leaders spirituels et la masse musulmane » (Mouslim). Or, ces actions ont des degrés d’importance qui varient en fonction de leur nature ou en fonction de la situation. La négligence des règles de priorisation en la matière est une forme d’irrévérence à l’endroit du Livre contenant la Parole du Seigneur des Mondes.

La première chose à savoir certainement, est que le Coran constitue la principale source de guidée et de jugement dans l’Islam. Comprendre cela signifie accepter que le Coran ait la prédominance y compris sur le hadith. Durant les premières années de la Révélation, le Prophète (saws) veillait à ce que les versets coraniques soient mémorisés par cœur et consignés par écrit de façon systématique. À l’inverse, il interdisait la consignation par écrit et la mémorisation stricte de ses propres paroles pourtant inspirées. Le psycho-sociologue Bennabi note dans le phénomène coranique que cela est bien un signe de la prophétie de Mohammad (saws), qui était capable de distinguer ce qui lui provenait directement de la Révélation, de ce qui lui était inspiré à travers sa conscience.

Cette prééminence du Coran sur la Sounnah devrait se retrouver dans les prêches et les livres d’enseignement de l’Islam, de droit musulman etc. Le Coran, à travers ses quelques 600 pages, se lit et se relit avec aisance, peut s’assimiler et être mémorisé rapidement. Cela n’est pas le cas des centaines de milliers de hadiths répartis dans des dizaines d’ouvrages, d’auteurs aux profils, aux méthodologies et époques différents.

Or beaucoup de prédicateurs érudits se trompent en donnant parfois, sans même s’en rendre compte, au Coran une position de subalterne vis-à-vis de la Sounnah qui est normalement la seconde source de guidance.

Le Shaykh Mohammad Al Ghazali avait déjà constaté cet écueil dans lequel certains tombent :

« Je me vois cependant dans l’obligation d’attirer l’attention sur la nécessité d’accorder une attention extrême au Coran lui-même. Il est en effet des gens qui se penchent sur les recueils de hadith (…) tout en délaissant le Coran. Leurs idées se développent ainsi de travers, s’attardant là où elles devraient passer rapidement et passant rapidement là où elles devraient s’épanouir. Ils s’enthousiasment là où il n’y a pas lieu de le faire et restent de marbre là où l’insurrection est requise ! (…) La méconnaissance du Coran et l’incapacité à saisir ses enseignements, évidents ou subtiles, est une tare psychologique et intellectuelle que ne saurait soigner la lecture maniaque des livres de la Sounnah. La Sounnah vient après le Coran et sa bonne compréhension passe par la bonne compréhension du Livre lui-même. Ibn Kathîr rapporte que l’Imâm Ash-Shafii dit : Tous les jugements émis par le Messager – paix et bénédictions sur lui – proviennent de sa compréhension du Coran. Comment serait-il possible de maîtriser la branche alors qu’on ignore le tronc ?! » La compréhension des enseignements du Coran et de ses finalités trace le cadre général du message islamique, établit une échelle des priorités dans les enseignements transmis et permet de replacer les traditions prophétiques à la place qui leur revient. L’individu attaché au Coran observe l’univers avec précision, connaît parfaitement les ressorts de la prospérité et du déclin des civilisations. Son esprit est éclairé par les Noms Sublimes et les Attributs Suprêmes ; il reste attentif aux scènes du Jour Dernier et de ce qui s’en suit. Il est aspiré vers les piliers de l’éthique et des bonnes manières ainsi que vers les fondements de la foi. Tout ceci est agencé dans des proportions harmonieuses. Lorsqu’on y ajoute les traditions prophétiques authentiques qui expliquent le Coran et parachèvent sa guidance, l’individu aura certes atteint la sagesse et la clairvoyance. (…) Je fus pris de peur pour notre Communauté lorsque je vis des gens se consacrer au hadith alors qu’ils manquent de science juridique, puis ils se transforment en juristes, puis affichent des visées politiques pour remodeler la société et l’État conformément à leurs opinions… Le plus étonnant dans cette pensée religieuse de bas étage c’est qu’elle ne comprend pas grand-chose aux modes de gouvernance, ni aux méthodes de consultation, ni aux finances, ni aux conflits des classes, ni aux problèmes de la jeunesse, ni aux difficultés de la famille, ni au développement de l’éthique… Ceux-là ne connaissent rien à la vie urbaine ni au développement des infrastructures pour servir les idéaux et les grands objectifs apportés par l’Islam. Les esprits malades ne connaissent que les futilités. Ils s’insurgent pour elles, s’activent pour elles, se concilient et suscitent des conflits pour elles. Je hochai ma tête avec tristesse en voyant le chemin suivi par la prédication islamique. Le message que jadis l’humanité reçut, à l’instar du malade qui reçoit le remède ou de l’homme en proie au froid qui reçoit la chaleur, est aujourd’hui très dévalorisé aux yeux des gens, si bien qu’ils n’y attachent pas grand intérêt. Il est aussi dévalorisé auprès de ses propres adeptes si bien qu’ils n’y trouvent pas de quoi élever leur rang ni protéger leurs choses sacrées. » (Extrait de Chagrin d’un prédicateur, traduction disponible sur islamophile.org).

Un autre écueil consiste à concentrer tous ses efforts dans la mémorisation du Livre et/ou dans sa prononciation correcte. Il n’y a aucun doute, comme pour ce qui est de l’étude de la Sounnah, qu’il s’agit d’œuvres grandement méritoires et bénies. Pour autant, cela ne doit pas se faire au dépend de ce qui est la priorité et le motif de la Révélation à savoir la réflexion théorique et pratique de la Parole d’Allah.

Nous avons certes une responsabilité et un rôle à jouer dans l’explication du texte coranique afin que celui-ci provoque une effervescence intellectuelle et spirituelle comme cela se faisait dans les tous premiers jours de l’Islam.

Finalement, ne devrait-on pas développer de nouvelles approches et méthodes d’enseignement du Livre Sacré, complémentaires des méthodes traditionnelles ? En mettant en avant le tadabour ou méditation à laquelle le Coran nous appelle pourtant à maintes reprises, et en priorisant cette discipline par rapport aux autres, et afin de répondre concrètement et pratiquement à la requête Divine : « En effet, Nous avons rendu le Coran facile pour la méditation. Y a-t-il quelqu’un pour réfléchir ? », « Ne méditent-ils donc pas sur le Coran ? S’il provenait d’un autre que Dieu, ils y trouveraient certes maintes contradictions ! », « Ne méditent-ils donc pas sur la parole (le Coran) ? Ou est-ce que leur est venu ce qui n’est jamais venu à leurs premiers ancêtres ? », « [Voici] un Livre béni que Nous avons fait descendre vers toi, afin qu’ils méditent sur ses versets et que les doués d’intelligence réfléchissent ! », « Ne méditent-ils pas sur le Coran ? Ou leurs esprits/cœurs sont-ils scellés ? ».


Rubrique: Bien comprendre l'Islam