6:17 - Vendredi 26 avril, 2024

- 17. Shawwāl 1445

La patience dans les épreuves


Allah le Très Haut dit : Très certainement, Nous vous éprouverons par un peu de peur, de faim et de diminution de biens, de personnes et de récoltes. Et fais la bonne annonce aux patients* qui, lorsqu’un malheur les frappe, disent : Certes nous sommes à Dieu, et c’est à Lui que nous retournerons.* Ceux-là reçoivent des bénédictions de leur Seigneur, ainsi que la miséricorde ; et ceux-là sont les biens guidés [2;155-157]. Au travers de ce verset, Allah nous rappelle la règle autour de laquelle il a fondé notre existence et notre passage sur Terre : la mise à l’épreuve. À cette règle nul n’échappe : croyant ou incroyant, pieux ou pervers, homme ou femme, jeune ou vieux, où que nous vivions et quelle que soit l’époque : nous sommes tous éprouvés. C’est Lui [Allah] qui créa la mort et la vie afin de vous mettre à l’épreuve [afin de distinguer] qui parmi vous excellera en son œuvre [67;2]. Or le Coran apporte une bonne nouvelle aux croyants patients, qui font preuve de retenue et prennent sur eux-mêmes lorsqu’une épreuve s’abat sur eux, et se souviennent qu’ils appartiennent à Dieu, qui dispose d’eux selon Sa Volonté, et que très bientôt ils reviendront à Lui, laissant derrière eux cette vie éphémère, pour récolter si Dieu le veut, le fruit de leurs efforts et la consolation à toutes leurs peines : Ceux-là reçoivent des bénédictions de leur Seigneur, ainsi que la miséricorde ; et ceux-là sont les biens guidés !

Aussi, le Coran en général, et la sourate Youssouf, que nous étudions cette année, en particulier regorgent d’exemples et d’appels à faire preuve de patience. Celle-ci se manifestent dans trois circonstances : dans la mise en pratique des commandements Divin durant toute notre vie tout d’abord, dans le fait de se retenir face aux interdits et aux tentations ensuite, et dans le fait de supporter et d’affronter les épreuves de la vie enfin, sans remettre en cause ni la Volonté ni la Justice Divines et sans renoncer à sa foi ou à ses principes. C’est à cette dernière catégorie que nous nous intéressons ce mois-ci.

Chacun n’est éprouvé que selon la force de sa foi. Sa’ad Ibn Abi Waqqas interrogea un jour le Prophète paix et salut sur lui, en ces termes : Ô Envoyé de Dieu, qui donc parmi les hommes sont les plus éprouvés ? Ce sont les prophètes, puis les saints, puis les vertueux parmi les hommes, les uns après les autres. En effet, l’homme n’est éprouvé qu’en fonction du degré de sa foi. Si celle-ci est solide, on intensifie alors ses épreuves, et si elle est fragile, alors on le soulage. Et les épreuves ne cessent de frapper le croyant jusqu’à ce que ce dernier marche sur la terre expié de tout péché [Al Tirmidhi, hassan Sahih]. Et cette règle confirme la parole Divine : Allah ne charge personne au-delà de sa capacité [2;286].

Ne pas provoquer l’épreuve. Si Allah promet aux endurants une récompense immense en plus d’expier leurs fautes, cela ne doit pas nous inciter pour autant à rechercher l’épreuve. La Sounnah consiste au contraire à prévenir l’épreuve lorsque tout va bien, pour au mieux l’éviter, et au pire se montrer à la hauteur lorsqu’elle frappe. Ainsi, le Prophète paix et salut sur lui, dit à ses compagnons : Ne cherchez pas la confrontation avec l’ennemi, mais demandez [au contraire] à Dieu qu’Il vous préserve. [Si malgré cela] vous devez lui faire face, alors montrez-vous patients…promettant ensuite le Paradis à qui fera preuve d’endurance [Al Boukhari & Mouslim]. Ce hadith nous indique que si l’on ne provoque pas l’épreuve, par un mauvais comportement, un empressement, ou une provocation alors on trouvera la force de patienter et la récompense du Paradis. Le Prophète paix et salut sur lui, dit : celui qui s’astreint de patienter, Dieu lui en donne la force. Nul n’a reçu de don meilleur et plus abondant que celui de la patience’ [Al Boukhari & Mouslim]. Quant à l’ignorant qui précipite l’épreuve par excès de confiance en lui et par manque de sagesse, nul ne peut lui garantir quoi que ce soit.

Ne pas souhaiter la mort à cause d’une épreuve que l’on traverse. Celui qui médite la sourate Youssouf sera étonné de voir comment ce prophète, fils, petit-fils et arrière-petit-fils de prophètes, a enduré la séparation d’avec son père, la méchanceté de ses frères, le fait d’être vendu comme esclave, le fait d’être accusé et emprisonné à tort pendant des années ; sans jamais désirer la mort. Au contraire, ce n’est seulement que, lorsqu’Allah l’a délivré de l’ensemble de ses épreuves, faisant triompher la vérité, alors que Joseph était au sommet de l’État et comblé des bienfaits Divins que celui-ci formula son invocation de reconnaissance, à la fin de laquelle il dit : fais-moi mourir entièrement soumis à toi et fais-moi rejoindre les vertueux [12;101] ! Le Prophète paix et salut sur lui, nous enseigne, en effet qu’aucun des vôtres ne souhaite mourir à cause d’un mal qui l’accable. Si vraiment, il n’en peut plus qu’il dise alors : ô mon Dieu ! Fais-moi vivre, tant que tu sais que la vie est meilleure pour moi, et fais-moi mourir dès lors que tu sais que la mort vaut mieux pour moi [Al Boukhari & Mouslim]. Aussi, seule la personne éprouvée dans sa foi, qui craint de tourner les talons au point de rejeter la religion, pourra formuler cette invocation, comme il est dit dans un hadith : et si Tu veux éprouver Tes serviteurs dans leur religion [ô Allah], rappelle-moi alors à Toi, sans connaître cette fitna [Ahmad, Sahih].

Ne se plaindre qu’à Allah du malheur que l’on vit, est une branche d’entre les branches du tawhid, comme dans Sa Parole : Il n’y a que Toi que nous adorons et il n’y a que de Toi dont nous implorons le secours [1;4]. Ali disait : La vénération de Dieu et la connaissance de Son droit, implique que tu ne te plaignes pas de ta douleur et que tu ne mentionnes pas ton malheur [devant les gens]. Si quelqu’un objecte en citant la parole que Ya’qoub a laissé échapper après des décennies de séparation d’avec Youssouf et après que deux autres de ses fils aient été retenus en Égypte :Que mon chagrin est grand pour Joseph ! [12;84] ; nous lui répondrons qu’il s’était d’abord détourné d’eux, et que sa famille n’était pas censée entendre sa plainte ; et ensuite, il précisa : Je ne me plains qu’à Dieu de ma déchirure et de ma peine [12;86]. Or se plaindre auprès du Juste de sa propre injustice ou de celle des hommes est une belle manière de chercher refuge en Lui et de L’adorer. L’invocation c’est l’adoration, dit le Prophète paix et salut sur lui, [Abou Dawoud & Al Tirmidhi : hassan sahih]. Quant à l’attitude de celui qui se plaint de Lui, Lui attribuant l’injustice, celui-là est un sot dominé par le diable : Et Allah n’est point injuste envers ses serviteurs [22;10].

La meilleure patience est celle endurée au service d’Allah et pour sa religion. Loqman dit ainsi à son fils :Ô mon enfant, accomplis la Prière, commande le convenable, interdis le blâmable et endure ce qui t’arrive avec patience. Telle est la résolution à prendre dans toute entreprise ! [31;17]. Moïse dit à son peuple opprimé par Pharaon et les siens : Demandez aide auprès d’Allah et soyez patients, car la terre appartient à Dieu. Il en fait don à qui Il veut parmi Ses serviteurs. Et la fin (heureuse) sera aux pieux [7;128]. Allah dit aussi à Son Prophète paix et salut sur lui, après lui avoir narré l’histoire de Noé, qui prêcha son peuple pendant près de mille ans : Sois patient ! La fin heureuse sera aux pieux [11;49].

Avoir confiance dans la sagesse Divine. Le Prophète paix et salut sur lui, a dit : Ce que l’affaire du croyant est étonnante ! Son affaire ne comporte (pour lui) que du bien, et cette faveur n’appartient qu’au croyant : s’il est l’objet d’un événement heureux, il remercie Allah et c’est là pour lui une bonne chose. S’il est victime d’un malheur, il l’endure avec patience et c’est là encore pour lui une bonne chose [Mouslim]. En effet, pour chaque malheur qui nous touche, jusqu’à l’épine qui nous pique, et auquel nous répondons par de la patience, nos péchés tombent comme les feuilles tombent de l’arbre [Al Boukhari], et cela jusqu’à ce que certains croyants rencontreront Allah purs de tous péchés [Al Tirmidhi, hassan Sahih]. C’est là, l’un des sens de la Parole du Très Haut : Seuls les patients recevront leurs récompenses sans avoir de comptes à rendre [39;10]. Aussi le croyant doit-il se montrer confiant en Son Seigneur, acceptant de traverser l’épreuve que le destin lui impose ; à l’image de ce malade, dont parle l’Imam al Ghazali, qui se résigne à avaler les médicaments aux goûts amers, à supporter les piqûres ou à renoncer à des aliments qu’il aime, suivant les conseils de son médecin, et convaincu que celui-ci ne lui prescrit cela que pour son bien, et jamais pour sa perte ولله المثل الأعلى]].

La patience : un signe de l’amour d’Allah pour son serviteur et vice-versa. Allah dit : Combien de prophètes combattirent, en compagnie de nombreux disciples. Ceux-ci ne fléchirent pas à cause des épreuves qui les atteignirent dans le sentier d’Allah. Ils ne faiblirent pas et ils ne cédèrent point. Et Allah aime les endurants [2;146]. À l’inverse, dit Ibn Al Qayyim : la patience dans les épreuves permet de distinguer l’amour authentique de celui qui ne l’est pas. En effet, il est aisé d’aimer le Bienfaiteur lorsque l’on est comblé de Ses bienfaits, mais continuer de L’adorer, de lutter pour Sa cause, de Lui rendre grâce, lorsque le malheur nous touche, est un signe majeur que le serviteur porte pour son Seigneur un amour sincère et véritable.   [والله أعلم]


Rubrique: Autour de la sourate Youssouf