15:24 - Jeudi 28 mars, 2024

- 18. Ramaḍān 1445

La fitna : la bataille de Siffin


Viendra une fitna [épreuve] : celui qui sera  assis agira mieux que celui qui sera debout ; celui qui sera debout agira mieux que celui qui marchera ; celui qui marchera agira mieux que celui qui courra (Tirmidhi).

Sous le califat de Ali, de nombreux compagnons comprirent cette parole du Prophète (paix et salut sur lui)comme faisant référence au conflit qui opposa le calife Ali à Mu’awiya, alors gouverneur de la Syrie (Qu’Allah soit satisfait d’eux). Néanmoins, la confusion était telle que rien ne put empêcher une tragédie, qui allait coûter la vie à un grand nombre de musulmans.

La bataille de Siffin - Après la bataille du chameau, Ali envoie Djarîr ibn Abdallah auprès de Mu’awiya lui demandant une dernière fois de lui prêter allégeance. Ce dernier ne conteste pas l’autorité d’Ali en tant que telle, mais il continue à conditionner son allégeance au jugement immédiat des meurtriers d’Othman. Ce refus obstiné, de la part de Mu’awiya et de son entourage, s’explique en partie par le fait que de nombreuses calomnies accusant Ali de complicité dans la mort de Othmân, avaient été répandues en Syrie. Ces dires, bien que totalement infondés et propagés par des personnes malveillantes, vont ajouter un peu plus d’incompréhension à une situation déjà très confuse. Ali se décide donc à lever une armée afin de destituer Mu’awiya. Les deux camps se rencontrent à Siffin, dans l’ouest de la Syrie en Dhul Hijja 36H. Au début Mouharam, les combats sont interrompus afin de chercher une issue à la crise. Mais aucun accord n’est trouvé. Les hostilités reprennent alors avec une intensité encore plus grande. Le compagnon Ammar Ibn Yassir, rattaché au camp d’Ali, tombe au cours de la bataille. Or, de son vivant, le Prophète avait annoncé qu’Ammar serait tué par la faction rebelle (Boukhâri). Beaucoup de compagnons avaient connaissance de ce hadith et la mort de Ammar jeta le trouble dans le camp de Mu’awiya. L’armée d’Ali finit par prendre le dessus. Amr ibn al ‘Ass conseilla alors à Mu’awiya de demander un arbitrage sur la base du Livre de Dieu. Symboliquement, ses soldats placèrent au bout de leurs lances des exemplaires du Coran (masâhif). Le calife accepta leur requête et deux Compagnons furent désignés pour procéder à l’arbitrage : Abou Moussa al ‘Ach’ari pour le camp de Ali et ‘Amr ibn al ‘Ass pour celui de Mu’awiya.

Les Kharijites - L’arbitrage échoueAli ne pourra donc plus lever d’armée contre Mu’awiya et un groupe au sein de son camp se sépare de lui. Ils lui reprochent d’avoir eu recours à un arbitrage tandis que disent-ils le jugement n’appartient qu’à Dieu. Et si le jugement de Dieu est bien contenu dans le Coran, comme l’affirme ce verset, c’est aux hommes qu’il incombe de l’extraire, comme le leur rétorqua Ali. Désormais, les voici opposés à la fois au Calife et à Mu’awiya. Ils ne tardent pas à durcir leur position en déclarant apostat toute personne ayant un avis différent du leur. Tant que leur opposition demeura verbale, Ali ne tenta rien contre eux et ce          malgré leur extrémisme. En effet, il ne pouvait  pas les priver du minimum de droits que l’Islam leur garantissait. Le Calife se décida à les combattre dès lors qu’ils commencèrent à agresser la population. Il les vainquit en 38H à Nehrawân. Après cette défaite, les kharijites jurèrent de se venger du Calife et l’assassinèrent finalement durant le mois de Ramadan en 41H. Jusqu’à la fin, Ali aura tenté de réunifier le monde musulman. Qu’Allah le comble de sa miséricorde !

La divergence des savants - Le conflit entre Ali et Mu’awiya n’était dû ni à une lutte pour la succession, ni à une faiblesse de foi, mais à une divergence de points de vue dont certains ont profité pour attiser la haine entre les musulmans, vivement émus par la mort d’Othmân. Les savants sont unanimes pour dire que Ali avait raison sur le fond et que Mu’awiya était sincère dans sa démarche, bien que son jugement fut erroné. Cependant, ils ont divergé sur le fait de combattre Mu’awiya. S’agissait-il d’un combat contre un groupe rebelle menaçant la concorde de la nation et qui est prescrit par le Coran, ou bien était-ce une fitna(épreuve) dont il fallait s’écarter, comme l’enseigne la Sounnah. Les Compagnons eux-mêmes ont divergés à ce sujet. D’aucuns comme Abdallah ibn Omar, Sa’d ibn Abî Waqqas, Mohammed ibn Maslama et d’autres, n’y ont pas participé. Si certains hadiths comme celui sur la mort de Ammar, montrent que les prétentions d’Ali étaient plus fondées, d’autres montrent bien qu’il s’agissait d’une fitna. C’est là l’avis de grands savants, toutes générations confondues, tel Al Thawri, Abou Hanifa, Ahmed, Mâlik ou Ibn Taymiyya. On peut citer par exemple le hadith où le Prophète informa Mohammed ibn Maslama, qui ne prit pas part au combat, que lafitna ne le toucherait pas (Abou Dawoud). Ainsi, Ali était le plus proche de la vérité mais cela ne signifie pas que le combat était la meilleure solution. Comme l’a dit ibn Taymiyya, cela ne pouvait qu’aggraver les choses(majmou’ al fatawa). Quoi qu’il en soit, nous aimons et honorons tous les Compagnons du Prophète. Nous ne pouvons que relater les faits et laisser à Dieu le jugement. Vers Lui est le retour et personne ne portera le fardeau d’un autre.

Voici une génération révolue, à elle ce qu’elle a acquis et à vous ce que vous aurez acquis ; on ne vous demandera pas compte de ce qu’ils firent. Et Allah seul sait !


Rubrique: Histoire musulmane