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- 16. Shawwāl 1445

La fitna : la bataille du chameau


La fin du monde ne viendra pas avant que deux factions musulmanes ne s’affrontent…pourtant leur prétention (à la vérité) est la même. (Al Boukhâri). Selon les exégètes, ce hadith fait allusion aux batailles survenues après la mort du calife Othmân et qui opposèrent les partisans de Ali à ceux de Mu’âwiya. Ces évènements marquèrent la première grande discorde ou fitna qui frappa la communauté musulmane. Après des années d’intrigues, une minorité de comploteurs avait réussi à lever une révolte contre le calife. L’insurrection fut facilitée par le fait qu’elle se déroula pendant la période du pèlerinage en 35 H, impliquant l’absence de nombreux compagnons à Médine. Jusqu’au bout, Othmân se refusa à réprimander les insurgés. Il voulut absolument éviter que les musulmans ne se divisent à son sujet. Son assassinat fut une injustice évidente. Malheureusement, son sacrifice ne put empêcher l’effusion de sang.

Après la mort d’Othmân, l’heure est grave à Médine. La situation reste très instable. On propose le califat à Ali mais celui-ci refuse, encore abattu par le meurtre du calife. Il finit pourtant par accepter, conscient que l’avenir de l’Islam est en jeu. Certains compagnons ne lui font pas immédiatement allégeance préférant attendre que les choses se clarifient (Al bidâya wan nihâya). En effet, les insurgés, toujours présents en masse dans la ville, ont reconnu Ali comme le nouveau calife et personne ne connaît réellement leurs intentions. La discorde va naître non pas de la nomination d’Ali, dont tout le monde connaît la valeur et la sagesse, mais de la divergence quant à l’attitude à adopter concernant les meurtriers d’Othmân. Certains comme Mu’âwiya, gouverneur de la Syrie, demandent à ce que les responsables de la mort de Othmân soient jugés et que leur soit appliquée la loi du talion. Mais pour Ali, l’heure est au rétablissement de l’ordre. L’autorité de l’Etat doit être rétablie au plus vite. D’autant plus que personne n’est en mesure d’identifier avec certitude les assassins de Othmân, pas même son épouse présente au moment du drame. D’ailleurs, lorsque Mu’âwiya deviendra calife, il ne parviendra pas à les retrouver. La demande de justice était tout à fait légitime et il est à noter que Mu’âwiya ne s’est opposé à Ali que dans cet unique but, non pour lui disputer le pouvoir. Néanmoins, bien qu’attristé par la mort de Othmân, Ali se montra plus clairvoyant. La justice ne peut être rendue dans la précipitation et l’émotion ne peut se substituer aux règles de l’Islam. Comme l’a dit le Prophète (paix et salut sur lui)au plaignant d’apporter la preuve et à l’accusé de prêter serment (Bayhaqi).

La bataille du chameau - Pendant trois mois, Ali envoie plusieurs lettres à Mu’âwiya lui réclamant de se soumettre à l’autorité légitime. Ne recevant aucune réponse, il se décide à le combattre. Son fils Hassan essaie de l’en dissuader mais en vain. Sur le point de quitter Médine, il apprend qu’une délégation accompagnée de Talha, Zoubayr et Aïcha  a quitté la Mecque pour Bassora dans le but de rallier des partisans à leur cause : réclamer le jugement des meurtriers d’Othmân. Ali et ses troupes se dirigent alors vers l’Irak afin d’éviter une nouvelle division. Le mot d’ordre est à la réconciliation. Sur le chemin, Aïcha pense à délaisser son action se rappelant d’un dire du Prophète, mais on la convint finalement de rester. A un homme demandant à Ali s’il pensait que Talha et Zoubayr étaient dans l’erreur, il répondit plein de sagesse : La vérité ne peut être connue à travers les hommes, connais d’abord la vérité, ensuite tu connaîtras ses partisans (Al Dhahabbi – Sira annoubala). Rappelons au passage, que Talha et Zoubayr, les deux inséparables, furent parmi les premiers convertis de la Mecque, et parmi les dix biens heureux auxquels le Prophète avait promis le Paradis (Tirmidhi).

 

Les deux groupes se retrouvent finalement et un accord est sur le point d’être conclu. Mais ceux qui portaient une responsabilité dans le meurtre d’Othmân, prirent peur d’être jugés si la situation venait à s’améliorer. A l’insu d’Ali, une attaque surprise est lancée de nuit contre le camp d’Aïcha. La bataille s’engage alors, chacun pensant se défendre légitimement. Nous sommes en Djumâda al akhîra 36H. Rencontrant Zoubayr, Ali lui rappelle une parole du Prophète prédisant un conflit entre eux et dans lequel Ali serait dans son droit (Fath al bari). Zoubayr quitte alors les lieux pour retourner vers Médine mais il est suivit par Amr ibn Joumrouz qui l’assassinera dans son sommeil. Portant la nouvelle à Ali, ce dernier lui annonce l’Enfer, ayant entendu de la bouche du Prophète : Celui qui tuera le fils de Safiyya (Zoubayr), annonces lui la Géhenne (Boukhâri).

Quant à Talha hélas, il est tué alors qu’il cherchait à quitter le champ de bataille. Cette tragédie fut baptisée la bataille du chameau en référence à la monture sur laquelle se trouvait la mère des croyants, Aïcha. Finalement, l’armée d’Ali prit le dessus et Aïcha fut raccompagnée à Médine avec tout le respect dû à son rang. Après la bataille, commentant la présence de certains corps, Ali s’écrira : Cette guerre a été alimentée par les assassins d’Othmân, ils ont semé le trouble et la zizanie entre les musulmans… (Rapporté par Abou Bakr Ibn Arabi d’après Ibn Kathir et Tabari). Après le départ de Aïcha, Ali envoie un dernier message à Mu’âwiya l’informant du ralliement de l’Irak sous son autorité et lui demandant une dernière fois de faire allégeance… Et Allah est le plus Savant.


Rubrique: Histoire musulmane