2:50 - Samedi 27 avril, 2024

- 18. Shawwāl 1445

Entre rêves et réalité


Allah Exalté nous rapporte la parole de Youssouf, alors qu’il était un jeune enfant, à son père, Yaqoub : Quand Joseph dit à son père : Ô mon père, j’ai vu [en songe], onze étoiles, et aussi le soleil et la lune ; je les ai vus prosternés devant moi [12;4] ; et sa parole, quelques décennies plus tard, après qu’il ait traversé de nombreuses épreuves et qu’il soit devenu un ministre respecté, lorsqu’il éleva ses parents sur le trône, et [que] tous tombèrent devant lui, prosternés. Il dit [alors] : Ô mon père, voilà l’interprétation de mon rêve de jadis. Dieu l’a bel et bien réalisé… [12;100]. Ces versets prouvent que les visions des prophètes sont de la révélation, comme dans Sa Parole, au sujet d’Ibrahim qui dit à son fils : Ô mon fils, je me suis vu en songe en train de t’immoler, vois-donc ce que tu en penses. [Son fils] répondit : Ô mon père, fais ce qui t’es commandé : tu me trouveras, s’il plaît à Dieu, du nombre des endurants [37;102].

L’intuition du croyant. Ceci étant, la vision [rou’ya] et l’inspiration [ilhame] ne sont pas le propre des seuls prophètes. Ainsi, Anas Ibn Malik rapporte avoir entendu le Messager d’Allah (paix et salut sur lui) dire : La prophétie s’achève, aussi n’y aura-t-il plus ni prophète ni messager après moi […] si ce n’est les porteurs de bonnes nouvelles. On lui demanda : Et qui sont-ils ô Envoyé de Dieu ? Il répondit (paix et salut sur lui) : la vision du musulman qui représente une fraction de la prophétie [Al Tirmidhi, Sahih]. C’est à cela que fait allusion la parole du Très Haut : Ils auront une bonne nouvelle dans cette vie [10;64] il s’agit de la vision vertueuse que voit le musulman ou que l’on voit pour lui [Al Tirmidhi, Sahih]. En effet, lorsque le croyant a une foi sincère et correcte, que son intention est bonne, que ses œuvres sont conformes à la Sounnah du Prophète (paix et salut sur lui) et que son effort est constant, il reçoit une lumière [spirituelle] de la part d’Allah, lumière qui éclaire son cœur et son esprit. Allah dit : Ô vous qui avez cru ! Craignez Allah et croyez en Son messager afin qu’Il vous accorde deux parts de Sa miséricorde, et qu’Il vous assigne une lumière à l’aide de laquelle vous marcherez… [28;57] Ô vous qui avez cru ! Si vous faîtes preuve de piété envers Allah, Il vous accordera la faculté de discerner… [8;29] et quant à ceux qui s’efforcent pour Notre cause, Nous les guiderons certes sur Nos sentiers, Allah est en vérité avec les bienfaisants [29;69]. ‘Omar Ibn al Khattab était l’une des personnes les plus inspirées dans la communauté. Le Prophète (paix et salut sur lui) dit d’ailleurs de lui : il y avait parmi vos prédécesseurs des illuminés, s’il y en avait un dans ma communauté, ce serait certainement ‘Omar [Al Boukhari & Mouslim]. En effet, ‘Omar devança, si l’on peut dire, à quelques reprises la révélation, en ce qui concerne la prohibition des boissons alcoolisées ou la prescription du hijab par exemple, en évoquant ces sujets peu de temps avant que Dieu ne statue dessus.

La prophétie est terminée comme l’a dit l’Envoyé d’Allah (paix et salut sur lui) dans le hadith mentionné plus haut, ce qui signifie qu’aucune vision et qu’aucun dévoilement, d’aucun pieux, quel que soit le miracle qu’il apporte ne peut contredire les Textes clairs [mouhkam] du Coran, et authentiques [sahihet explicites [sarihde la Sounnah prophétique ; de même qu’ils ne peuvent rendre licite ce que Dieu et son Prophète ont interdit ou interdire ce que Dieu et son Prophète n’ont pas interdit ; ni même encore abroger ce qui est obligatoire, ou instituer de nouvelles règles dans la religion. Si quelqu’un objecte que l’appel à la prière [adhan] a été institué suite aux rêves qu’ont fait certains compagnons [Al Tirmidhi, Ahmad etc. Sahih], parmi lesquels ‘Omar, nous leur répondrons simplement, que c’est le Prophète (paix et salut sur lui) qui a confirmé l’origine Divine de leurs rêves et a institué cette Sounnah. Allah Exalté dit : Aujourd’hui j’ai rendu pour vous parfaite votre religion et agrée pour vous l’Islam comme religion [5;3].

Le fait que la prophétie soit terminée implique de plus, que l’homme le plus pieux, quand bien même il est préservé par Dieu, peut se tromper et se trompera immanquablement, car l’infaillibilité [‘ismah] est propre au Prophète (paix et salut sur lui) et personne n’en bénéficie après lui. L’Envoyé de Dieu (paix et salut sur lui) dit : Tout être humain commet inéluctablement des erreurs, et les meilleurs de ce qui se trompent sont ceux qui se repentent [Al Tirmidhi & Ibn Majah, Sahih]. Reprenons l’exemple de ‘Omar Ibn al Khattab, tout inspiré et pieux qu’il fut, il lui est arrivé de se tromper – sans que cela ne diminue son mérite – comme lorsqu’il ne voulut pas croire que le Prophète (paix et salut sur lui) était mort, jusqu’à ce qu’Abou Bakr lui démontre qu’il avait tort ; ou lorsqu’il voulut fixer un seuil à la dot du mariage et qu’il fut repris devant toute une assemblée par Fatima Bent Qayyis, qui lui fit dire : une femme a eu raison et ‘Omar a eu tort ! [Ahmad, Al Nassaï].

Comment considérer alors ces visions et ces pressentiments justes ? De deux choses l’une : soit premièrement, ils émanent d’une personne vertueuse, ne contredisent en rien le Livre et la Sounnah, et sont porteurs d’un bon message, soit pour encourager la personne à un bien soit pour la détourner et la mettre en garde contre un mal, auquel cas ce rêve ou cette intuition provient de Dieu, comme le dit le Prophète (paix et salut sur lui) : Quand l’un de vous voit en rêve quelque chose qu’il aime, cette vision ne provient que de Dieu le Très-Haut. Qu’il remercie Dieu pour cela et qu’il en parle à ceux qu’il aime [Al Boukhari & Mouslim]. Soit, maintenant, ces rêves sont étranges ou horribles ou contredisent les principes de notre religion, auquel cas ils viennent du diable ou de notre imagination, et c’est ce dernier cas, qui est la règle. L’Envoyé d’Allah (paix et salut sur lui) dit : il y a trois genres de rêves : un rêve provenant d’Allah, un cauchemar provenant du diable et un rêve qui reflète les envies et les pensées de la personne lorsqu’elle est éveillée [Al Boukhari & Mouslim].

Enfin, ce genre de phénomène est un bon signe pour la personne qui les reçoit et pour ceux qui l’entourent, mais en même temps une épreuve pour elle ; comme dans la parole de Soulayman qui vit apparaître devant lui le trône de la reine de Saba : Cela est de la grâce de mon Seigneur, pour m’éprouver si je suis reconnaissant ou si je suis ingrat [27;40]. C’est-à-dire, que si la personne reste humble et continue de craindre Dieu malgré ces signes, cela sera bien pour elle, en revanche si ces signes la poussent, elle ou ses disciples, à s’élever au-dessus de son rang, cela sera pour eux tous une épreuve et une source d’égarement. L’Imam Malik, lorsqu’on lui rapportait de beaux rêves à son sujet, disait : Puissent ces visions vertueuses nous pousser à davantage d’efforts et ne pas être une source d’égarement ou de tentation. Nous cherchons refuge auprès d’Allah.

Et Allah sait mieux !


Rubrique: Autour de la sourate Youssouf