Les attirances de la nature humaine pour ce bas monde sont multiples et intérieures, alors que l’évocation de l’au-delà est extérieure aux dispositions naturelles de l’Homme. Celui qui est dépourvu de science peut s’imaginer que les attirances pour l’au-delà sont plus puissantes en raison des menaces qu’il entend dans le Coran. Il n’en est rien, car le penchant naturel de l’homme pour ce bas monde est comme celui de l’eau qui coule et qui cherche à descendre (…) Quiconque réfléchit aux conséquences des choses d’ici-bas prend ses précautions, de même que l’homme conscient de la longueur du chemin se prépare au voyage. Que ta conduite est étrange, ô toi qui connait avec certitude une chose et puis l’oublies ; toi qui, convaincu du danger d’une situation, t’y jettes aveuglément ; toi qui crains les hommes alors qu’Allah est plus en droit que tu le craignes ! (…) Nous n’avons été créés que pour vivre, connaître, parler et voir le Créateur dans la demeure éternelle. Notre existence en ce bas monde est semblable à une école dans laquelle nous apprenons l’écriture et la lecture, à la manière de l’enfant, afin qu’à sa puberté il puisse gagner sa vie. Certains enfants moins sagaces restent longtemps à l’école et en sortent sans rien. Cela est semblable à celui qui ne connaît pas le sens de son existence et n’en atteint donc pas l’objectif. (…) Pour cheminer vers celui-ci, plusieurs moyens sont mis à disposition de l’être humain. Par nature, celui que constitue l’argent est aimé et permet d’assurer la pérennité des corps. Mais dans certains cœurs, cet amour croit au point que l’argent est aimé pour lui-même et non comme un moyen d’atteindre les objectifs ! On peut alors voir l’avare s’imposer des privations étonnantes et se refuser tous les plaisirs, car son plaisir consiste à amasser de l’argent ! C’est là une disposition innée chez beaucoup d’hommes, et il n’est donc pas étonnant de l’observer chez les ignorants. (…) Je n’ai rien vu de plus subtil que la manière dont ce bas monde se joue des gens ! Nous avons entendu parler, et vu de nous-mêmes, des gens intelligents et sensés être trompés par ce bas monde jusqu’à devenir comme fous : on leur a accordé du pouvoir et ils se sont mis à tuer, frapper, emprisonner et insulter ; leur religion s’en est allée, et ils sont tombés dans l’injustice. Tout ceci pour ce bas monde qui disparaît pourtant bien rapidement et qui, pendant son existence, ne cesse d’être mêlé de troubles. (…) Le monde à été créé pour l’épreuve, et l’homme raisonnable doit se cantonner à la patience et savoir que ce qui lui est accordé de réaliser est une clémence, et que ce qui lui est refusé est en conformité avec le fondement de la création et la nature de ce monde.
Tiré des pensées précieuses d’Ibn Al-Jawzi
