18:26 - Mardi 23 avril, 2024

- 14. Shawwāl 1445

Les dérives d’Al Hallaj


Nous avons toujours eu pour principe de présenter les biographies des gens pieux de la communauté musulmane, afin de proposer à nos lecteurs des modèles à suivre et d’encourager (tabchir) les gens. Aussi, parfois, la pédagogie impose de citer des contre-exemples, des modèles à ne pas suivre, afin de mettre les gens en garde (al indhar). Ces deux méthodes sont employées dans le Coran et dans la Sounnah : Et raconte-leur l’histoire de celui à qui Nous avions donné Nos signes et qui s’en écarta. Le diable, donc, l’entraîna dans sa suite et il devint ainsi du nombre des égarés [7;175] ; Dieu a cité en parabole pour ceux qui ont mécru la femme de Noé et la femme de Lot… [66;10], Certes Qoré faisait parti du peuple de Moïse… [28;76]. Aussi, ce mois-ci avons-nous décidé d’aborder la vie d’un pseudo-cheikh qui a égaré nombre de musulmans. Car le phénomène du charlatanisme et de l’utilisation de la religion par des individus mauvais qui cherchent à obtenir un profit ou une renommée a toujours existé, et plus encore dans les époques où l’ignorance est repandue. Et cela perdurera et prendra de l’ampleur, jusqu’à la venue du faux messie, Al Dajjal, que Dieu le Très Haut nous épargne de son mal et de celui de tout charlatan !

Abou Al Mansour, Houssein Al Farissi, dit Al Hallaj, se prétendait un cheikh soufi, un maître spirituel, tandis qu’en vérité il ne l’était pas – et c’est là l’opinion de la majorité des savants, parmi lesquels Al Soulami -. Il parlait très bien et utilisait cet art pour impressionner les gens peu au fait de l’Islam, par de belles paroles et en leur faisant entendre ce qu’ils voulaient entendre. Or le Coran nous avertit : Il y a parmi les gens celui dont la parole sur la vie présente te plaît, et qui prend Dieu à témoin de ce qu’il a dans le cœur, tandis que c’est le plus acharné disputeur [2;204]. Et le Prophète (paix et salut sur lui) de nous mettre en garde en nous disant que certains discours éloquents relèvent de la sorcellerie [Al Boukhari], tant certains rhétoriciens sont capables de subjuguer les intelligences par l’habileté de leurs discours.

Al Hallaj avait pourtant dans sa jeunesse assisté à de nombreuses leçons du grand cheikh de Baghdad, Al Jounayd, mais cela ne lui fut malheureusement pas utile. Dieu dévoile avec le temps, et au travers des épreuves les intentions des gens. Parmi les gens qui s’assoient aux assemblées de bien, il y a celui qui cherche le salut et la satisfaction Divine, et celui qui cherche à être vu des gens, et à gagner leurs cœurs pour mieux ensuite les asservir, et les utiliser à l’assouvissement de ses désirs personnels.

Par ailleurs lors de ces leçons, Al Hallaj avait déjà manifesté son penchant à se faire remarquer en posant régulièrement des questions étranges sur des sujets équivoques, et dans un langage compliqué. Dieu dit : Les gens, donc, qui ont au cœur une inclinaison vers l’égarement, mettent l’accent sur les versets à équivoque, cherchant la dissension en essayant de leur trouver une interprétation, alors que nul n’en connaît l’interprétation, à part Dieu [3;7].

Al Hallaj impressionnait aussi ses disciples en affichant une pratique d’apparence rigoureuse et en faisant des simagrées devant eux. Mais les savants et les gens instruits de son époque voyaient qu’en fait, il ne pratiquait qu’innovations et ostentation, comme ce jour où ils le trouvèrent en méditation sous le soleil en pleine canicule. Rappelons-nous que les élus d’Allah sont ceux qui s’en tiennent à la Sounnah – dans son sens global – et même s’ils se contentent de pratiquer le minimum obligatoire.

Al Hallaj prétendait avoir la capacité de lire dans les cœurs et de connaître les choses cachées, c’est d’ailleurs pour cela qu’on l’a surnommé ainsi. Pourtant le Coran affirme que ce pouvoir n’appartient qu’à Allah, et cela relève du dogme : (Dieu) connaît la trahison des yeux, tout comme ce que les poitrines cachent [40;19].

On rapporte également, qu’Al Hallaj avait recours aux forces occultes (les Jinns), aux moyens desquels il parvenait à réaliser des illusions et des pseudo-miracles. Or si la réalisation d’un acte d’apparence extraordinaire était un gage de véracité ou d’agrément, nous devrions alors suivre les magiciens et illusionnistes, en dépit de leur foi et de leur morale ! Mais les choses ne sont pas ainsi, et le seul critère distinctif entre les élus de Dieu et ceux du diable, est d’observer leur pratique, leur comportement, leur croyance et leur attachement aux Textes.

Al Hallaj atteint finalement l’apogée de son hérésie et de son égarement en prétendant à l’incarnation de Dieu, ce qui lui valut la condamnation unanime de tous les grands de son époque, Al Jounayd compris. Le principe d’incarnation n’est pas correct. Cela ne sied pas à Dieu. Il est en fait bien au-dessus de tout ce que l’on peut imaginer, dans Sa pureté, dans Sa force, dans Sa grandeur, Sa puissance, Son savoir et Son immensité. Ils n’ont pas estimé Dieu comme Il devrait l’être alors qu’au Jour de la Résurrection, Il fera de la terre entière une poignée, et les cieux seront pliés dans Sa droite. Gloire à Lui ! Il est au-dessus de ce qu’ils Lui associent [39;67].

Voici donc résumée l’histoire de cet imposteur qui fut la cause de l’égarement de beaucoup de musulmans qui le considéraient comme un grand cheikh incompris des savants supposés jaloux de lui et ignorants de ses pseudo-miracles. Prends garde cher lecteur, à tout individu qui tient des propos étonnants, et s’écarte de la voie du Prophète et des quatre califes en adoptant des avis étranges, marginaux ou inventés et en pratiquant des choses que la morale condamne en leur donnant une légitimité religieuse.


Rubrique: Biographies